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Les cinq corps réguliers

Par André Ross
Volume 19.2 - été-automne 2024

Platon
-427 à -347

Le pythagoricien Archytas de Tarente a initié Platon aux cinq corps que l’on désigne maintenant sous l’appellation corps (ou solides) réguliers de Platon. Zia nous raconte comment Platon a utilisé ces formes pour décrire l’univers.

Zia
Veux-tu savoir comment Platon concevait la création de l’univers ?

Léo
Oui, je suis impatient !

Zia
Il prétendait que tout avait commencé à partir de triangles élémentaires, il écrit :

On commencera par la première espèce, celle qui est la plus petite par sa composition; elle a pour élément le triangle dont l’hypoténuse a une longueur double du plus petit côté1.

Léo
Il parle du triangle rectangle qui, dans notre vocabulaire d’aujourd’hui, a un angle de 30° ?

Zia
Tout à fait. Je continue la lecture.

Si on juxtapose deux triangles de cette sorte par leur hypoténuse, et si on répète l’opération trois fois en faisant se rejoindre les hypoténuses et les petits côtés en un même point comme en un centre, on engendre un triangle équilatéral unique à partir de triangles élémentaires au nombre de six.

Léo
On savait donc que ça donne un triangle équilatéral.

Zia
Platon écrit :

Quatre de ces triangles équilatéraux forment, à raison de trois angles plans, un seul angle solide2 celui qui vient juste après le plus obtus des angles. Et lorsque quatre de ces angles sont formés, se trouve constituée la première espèce de solide qui divise un tout sphérique en parties égales et semblables.

Il associe ce solide, le tétraèdre3, à l’élément « feu » car c’est celui des corps qui a les angles solides les plus aigus et qui est le plus léger.

La seconde espèce est constituée à partir des mêmes triangles, qui s’unissent par groupes de huit triangles équilatéraux pour former un seul angle solide à partir de quatre angles plans. Et quand se constituent six angles de ce genre, le second corps se trouve à son tour réalisé.

Il obtient ainsi l’octaèdre qu’il associe à l’élément « air ». De plus, il faut huit triangles pour former l’atome d’air et quatre pour former l’atome de feu. Il en déduit que deux atomes de feu en s’unissant forment un atome d’air.

La troisième espèce est formée par l’agrégation de cent vingt triangles élémentaires, de douze angles solides, chacun de ces angles étant délimité par cinq triangles plans équilatéraux, et elle a vingt faces qui sont autant de triangles équilatéraux.

Il obtient ainsi l’icosaèdre qu’il associe à l’élément « eau ». Il remarque aussi que deux atomes d’air et un atome de feu en s’unissant forment un atome d’eau.

Le premier des triangles élémentaires fut laissé de côté quand il eut engendré ces solides.

Il considère alors un triangle rectangle isocèle et poursuit :

Pour sa part, le triangle isocèle engendre la nature du quatrième corps, qui est constitué de quatre triangles isocèles, qu’on réunit en un centre par leurs angles droits et qui forment un seul quadrilatère équilatéral; lorsque six surfaces de ce genre se sont agrégées, elles ont donné naissance à huit angles solides dont chacun est constitué de trois angles plats, qui sont des angles droits. La figure du corps ainsi constituée fut celle du cube, qui a six faces planes, rectangulaires, équilatérales.

Il considère que l’hexaèdre est l’atome de « terre », car c’est celui qui a les bases les plus stables et qui est le plus difficile à mouvoir.

Il restait une seule construction, la cinquième; le dieu s’en servit pour l’univers, lorsqu’il y peignit des figures animales.

Platon a ainsi associé les atomes de chacun de ces éléments à un des solides réguliers, découverts par les Pythagoriciens, et qui sont maintenant appelés corps réguliers de Platon.4

Léo
Drôle d’idée de chercher à obtenir les formes à partir des triangles.

Zia
Ce n’est pas si étrange : pense à tout ce que l’on peut écrire avec un alphabet ou avec les sept notes en musique.

Léo
D’accord, mais la théorie n’a pas dû survivre à son auteur.

Zia
Au contraire, grâce à Aristote qui a repris l’idée et en a fait le fondement de sa philosophie de la nature. Ainsi, il enseignait que tous les corps cherchent à retrouver leur place naturelle. C’est pourquoi le feu cherche à s’élever et le corps lourd tend vers le centre de la Terre. Plus la proportion de terre dans un corps est importante, plus il tombe rapidement. Il avait dû remarquer que des corps flottent sur l’eau alors que d’autres s’enfoncent plus ou moins rapidement. Cette tendance s’explique, selon Aristote, parce que les corps comportant une grande proportion de l’élément terre s’enfoncent plus rapidement. Il étend, par analogie, ce même comportement dans l’air.

La médecine d’Hippocrate était basée sur la théorie des quatre éléments. La maladie était causée par un déséquilibre des quatre humeurs. On en distinguait quatre : le « bilieux », l’« atrabilaire », le « flegmatique » et le « sanguin ». Par exemple, le bilieux associé au feu et ses qualités : chaud et sec; est enclin à la colère. L’atrabilaire est enclin à la tristesse et au chagrin, le flegmatique garde son sang-froid et le sanguin est d’humeur gaie. On a longtemps, en médecine, pratiqué des saignées pour rétablir l’équilibre des humeurs.

Euclide dans les propositions 13 à 17 du Livre XIII de ses Éléments, montre comment construire ces cinq corps réguliers et les circonscrire à une sphère. Il montre à la proposition 18 que ce sont les seuls corps réguliers convexes : en chaque sommet, la somme des angles des polygones qui s’y rencontrent est inférieure à 360°.

La théorie des quatre éléments a dominé la science jusqu’au XVIIe siècle.

Léo
Aussi longtemps que ça ? Qu’est-il arrivé au XVIIe siècle ?

Zia
Galilée (1564-1642) a développé une théorie du mouvement plus conforme à l’observation que celle d’Aristote. Antoine Laurent Lavoisier (1743-1794) a montré que l’eau se décompose en deux éléments, l’oxygène et l´hydrogène, l’eau n’est donc pas un « élément ».5 Au début du siècle suivant, John Dalton (1766-1884) a développé sa théorie atomique qui est un fondement de la science physique moderne.

Léo
Pourtant, en mathématiques, on s’intéresse encore aux cinq solides de Platon.

Zia
En effet, en raison notamment des symétries spectaculaires qu’ils renferment. De plus, ces solides ont donné naissance à de nombreuses recherches sur les pavages du plan et de l’espace.

PDF

  1. Luc Brisson, Timée, Critias, 5e édition, Flammarion, 2001, pp. 120-121. ↩
  2. Pour Platon, un angle solide est le sommet d’un polyèdre. ↩
  3. Les polyèdres dont il est question ici sont tous réguliers: pour chacun d’eux, les faces sont des polygones réguliers tous congruents entre eux, et en chaque sommet se rencontrent le même nombre de faces. ↩
  4. Voir la vidéo 03-Platon à l’adresse https://www.youtube.com/@Accromath/featured ↩
  5. Dans son Traité élémentaire de chimie (1789), Lavoisier donne une liste d’éléments ou substances qui ne peuvent être décomposés davantage, incluant l’oxygène, l’azote, l’hydrogène, le phosphore, le mercure, le zinc et le soufre. ↩
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